Cette photo la résume à elle seule. Élodie revêt l’apparence d’une bête féroce, mais c’est un animal inoffensif qu’elle dissimule. Sa beauté tape à l’œil alors qu’elle ne laisse entrevoir que son regard.
Catherine Deneuve se drapait d’une peau d’âne, notre anonyme s’emmitoufle dans un douillet costume de panthère. Elle est douce comme Baghera, mais ses yeux agissent comme ceux de Kaa, ils ensorcellent grâce à leur candeur.

À première vue, on ne devine pas qu’elle est née à l’époque où Yannick Noah dominait les courts en terre battue. Ses traits et sa personnalité la classent dans la catégorie des femmes à qui on ne peut pas donner d’âge.

Ce n’est pas une blonde platine ni une bombe latine, mais sa silhouette respire l’harmonie et provoque le désir. Son charme irradie lorsque son visage se fige, la splendeur l’entoure quand elle plisse ses joues. Elle est belle, elle le sait et son monde le lui rappelle. Ceux qui l’aiment profondément savent qu’elle est aussi jolie en dehors qu’en dedans.

Sublimée par une longue robe, elle ressemble à Esméralda. Elle arbore une chevelure de gitane qui orne sa poitrine, elle tatoue de l’art sur son corps et porte des bracelets brillants qui tintent sous l’effet de ses gestes dansants.

Sur son bras, un oiseau magique chante les louanges de sa famille. Amoureuse de pays lointains, elle l’accompagne de végétation des îles. Elle y a ajouté des yeux qui la protègent et conjurent le mauvais sort. Pour signifier qu’elle garde sa jeunesse éternelle, elle a même peint des dessins d’enfant près de ses doigts élancés, impeccablement manucurés.

Dans le creux de son cou, une fleur de l’amour appelle le nez sur ses pétales. Les chanceux peuvent y respirer les effluves enivrants d’une peau hâlée par le soleil méridional. En plus du carmin, elle adore la pureté du noir de la rose. Certains y voient la marque du deuil et de la tristesse, elle n’en a pas conscience, mais elle se retrouve dans le mystère et la renaissance que ce bijou hors nature symbolise.

Elle a compris assez tôt que l’âge adulte représentait l’arnaque du siècle. Trop maline pour tomber dans le piège, elle s’en est écartée. Ne la croyez pas immature pour autant, elle a juste conservé son âme d’enfant et sur ses frêles épaules repose de lourdes responsabilités.

Deux femmes semblent partager son moi intérieur. L’exubérante, l’adolescente, celle qui occupe le devant de la scène, qui côtoie la plus la sensible, celle qui a besoin de solitude, celle qui borde ses fils avant un gros poutou.

Son univers gravite autour de ses deux bambins, et soyez-en certains, elle n’existe pas qu’à travers eux. C’est une maman poule, une mère louve, un pote, une tata, une confidente, une partenaire de jeu, un papa parfois… Elle se tient toujours en embuscade dès qu’un danger se pointe, pour leur plus grande joie, elle transforme sa voiture en karaoké géant et n’hésite pas à faire la fête, même coincés dans une chambre d’hôpital. Elle remplit ses chérubins d’amour de peur qu’ils en manquent. Peut-être comme elle, qui s’amuse à déclarer qu’on l’a trouvée dans une poubelle.

Multipotentielle, elle aurait pu s’épanouir en dehors de sa tanière, elle a préféré s’en occuper, pour le bien-être de ses petits. Ne jugez surtout pas sa condition ! Elle se sent femme avant
tout. N’osez pas lui objecter que la place d’une dame ne demeure plus au foyer ! C’est son havre de paix. Ne lui parlez pas d’indépendance ! Elle assure seule et le revendique.

Le travail qu’elle a choisi ne fait plus rêver les petites filles, mais elle l’aime. Même si c’est un sacrifice qui lui pèse après toutes ces années, elle l’endure avec plaisir et fierté. Elle sent qu’elle renaîtra au moment opportun. Les roses noires la subjuguent, ne l’oubliez pas…

C’est une lionne rebelle. Pourtant, elle s’est formée une carapace protectrice. Elle dissimule ses douleurs par son exubérance. Elle a besoin de se montrer haute en couleur, comme pour démontrer au monde qu’elle reste debout malgré l’adversité. Elle conjure les maux qui la rongent avec sa bonne humeur. À la manière des plus grands malheureux, je présume qu’elle verse peu de larmes. Combien même, rares sont ceux qui voient de la tristesse enlaidir son visage. Seuls les êtres avertis peuvent comprendre ce qu’elle s’évertue à enfouir.

Comme beaucoup de femmes de sa trempe qui ont souffert, la colère l’habite. Elle pratique le yoga pour l’apaiser, mais n’hésite pas à s’en prendre au connard qui omet son clignotant ou à lever le majeur en l’air en l’honneur de ceux qui la jugent. Tiktokeuse rigolote à ses heures perdues, elle ose se caricaturer dans des vidéos où elle règle ses comptes avec un humour acerbe. Elle ne joue pas la comédie ni ne tient un rôle de composition, elle est la star de sa propre existence.

Même si le monde des oiseaux la fascine, c’est assise sur un rocher les pieds dans la Méditerranée qu’elle trouve de la sérénité et du réconfort. Elle passe ses journées à cent à l’heure, elle ne subit pas sa vie, elle la bouffe à pleines dents. C’est une aventurière qui saute d’un avion en plein vol et chevauche des montures mécaniques au milieu des champs.

En plus de susciter l’attention des hommes, elle les fait rire. Ajouté à cela son intelligence, les plus aigris craignent d’apparaître moins charismatiques à ses côtés. Elle se montre extravertie sur la forme et réservée sur le fond. On n’en doute pas, elle est solide comme un roc. J’ai écrit que la force d’une hypersensible ne représentait que le bouclier d’une hyperfragile. Je suppose que sa grande faiblesse réside tout bonnement dans le refus d’admettre son extrême sensibilité. C’est en réalité de ce don, qu’elle tire son panache.

Elle a voulu croire au prince charmant, comme pour les bienfaits de l’âge adulte, elle s’estime arnaquée. Pour ne rien arranger, elle s’inflige de ne voir que des menteurs autour d’elle. Espérons qu’un jour la passion la brûlera de nouveau. Elle découvrira que son cœur ne demande qu’à laisser une place à un troisième homme.

Mathieu Capdegelle. Décembre 2023