Celle qui compte

Tournoyant sous les embruns, elle a cette chance, ou malchance, de paraître heureuse, exubérante, un peu bohème, un côté chic, un côté choc, mais attention, jamais dans le cliché ! Ne vous fiez pas aux apparences, si elle n’est pas fermée, c’est malgré tout une coquille qui la protège. Tant d’ondées positives flottent autour d’elle qu’on pourrait penser qu’elle est insubmersible. Détrompez-vous, elle pêche des petits moments de bonheur pour en faire un bouclier, tout comme d’autres le font avec la colère. Elle se montre forte en surface et fragile en profondeur.

Pour elle, l’élégance rime avec le confort de la simplicité, des couleurs gaies qui se reflètent dans ses yeux et la matière douce comme son cœur. Ce n’est pas une gitane, c’est une princesse de Bohème ; elle a de la classe ! La nature l’a constituée femme, c’est ce qui la rend belle. J’ai le privilège de connaître son visage, je vous en touche un mot : de ses deux jeunesses, elle garde une moue espiègle, un minois coquin et une bouille rigolote. Le temps sur elle n’a que peu d’effets. Elle permet même à ses cheveux argentés de n’en faire qu’à leur tête. Comme ils sont sages, elle s’affiche coquette… Son aura, tout comme sa voix vous envoûte, je ne vous écrirais pas le grain qui s’en écoule ici, je l’ai déjà couché sur d’autres plages.

Ses pieds sont bien ancrés dans le sable fin, son esprit lui, vogue ailleurs. Il vole à dos de goéland au-dessus de la mer. Il se pose pour qu’elle affronte les contraintes de ce monde, un monde qu’elle transforme en océan de sourires. Elle aime plonger dans les vagues de l’allégresse et ne se laisse pas dévaster par les tourbillons du désespoir.

Elle n’était pas née que la houle se déchaînait déjà. Elle avait à peine pied, quand elle a dû naviguer seule dans la tempête que le destin soufflait. Elle a souvent mis la tête sous l’eau, à aucun prix elle n’a touché les abysses ; implacablement, elle trouve un radeau auquel s’arrimer. Malgré les raz-de-marée qu’elle a traversés, elle profite de la moindre éclaircie et par la même occasion, brille comme un rayon de soleil dans votre vie si vous êtes chanceux. Elle ne se fie pas aux apparences, elle voit la perle rare qui se cache en vous.

Elle rêve de l’Amour avec un grand A, celui qui dure toujours, celui qui vous engloutit de passion pour l’éternité. Elle ne cherche pas à convaincre les cœurs brisés qui la contredisent ; notre bohémienne au grand cœur fait mieux, elle leur transmet l’envie d’y croire. De toute façon, trouver l’âme sœur pour elle, c’est courir après le trésor caché. C’est une pirate, alors elle explore chaque îlot qui jalonne son chemin pour le trouver. Elle est ainsi, son être a beaucoup saigné d’une écume amère ; pourtant, elle cherche sans relâche à être emportée par un Tsunami romanesque, quitte à oser tous les risques de noyade.

Elle ressemble à un rocher seul perdu au milieu de la mer, un havre de paix où les égarés échouent. Au contact des âmes blessées, son énergie peut s’éroder, elle doit limiter le nombre de naufragés et surveiller leur qualité pour ne pas se laisser submerger.

Elle rit avec les mouettes, elle parle en morse avec les phoques, elle batifole avec les chiens et serre la pince aux homards qui viennent d’Armorique, comme le sang qui coule dans ses veines. Elle est amoureuse de l’être humain, mais l’humanité la déçoit tellement qu’elle lui préfère les animaux. C’est son chant des Sirènes à elle ; hélas, elle n’arrive pas à se couvrir les oreilles. Il est possible qu’elle doive pardonner à ses semblables pour voir celui qui lui ressemble…

Je vous ai peut-être induit en erreur, vous pourriez imaginer que la gaieté éclaire sans cesse son visage d’enfant. Malheureusement, le soir quand elle tourne en rond pour trouver le sommeil avec un grand S, et qu’elle n’a plus aucune âme à rendre joyeuse, elle laisse couler ses larmes. Elle remonte le temps, tout le monde à compté mais pour qui a-t-elle compté vraiment ? Pas l’essentiel, pas pour Lui, et pour Elle ? Maintenant qu’elle s’oblige à l’accompagner dans son dernier voyage, qu’en est-il ?

On la voit comme un phare pour les bateaux en perdition. En réalité, elle attend avec impatience d’accueillir son gardien. Ce marin qui lui offrira son épaule pour s’y amarrer, tant elle nage dans les méandres du quotidien.

Une nuit, elle trouvera le repos ; comme Pénélope, sous les couleurs du soleil levant, Ulysse viendra la réveiller avec un doux baiser, j’en suis persuadé.

Mathieu Capdegelle – Novembre 2023

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